Rendre un avis défavorable est inhabituel pour une commission d’enquête : 99% des enquêtes publiques se terminent par un avis favorable (ou favorable avec réserves). La responsabilité est grande, car un tel avis a de fortes chances de marquer un coup d’arrêt pour le projet. Parmi les exemples récents en Isère, on se rappelle de l’avis défavorable pour la rocade nord en 2010 qui forcera le conseil général à abandonner le projet quelques mois plus tard, ou l’avis défavorable pour la zone industrialo-portuaire Inspira dans la vallée du Rhône.
Ce dernier cas invite à méditer : Dès le déroulement de l’enquête publique en 2018, le président de la commission d’enquête, Gabriel Ullman, a subi des pressions de la part des porteurs du projet, qui ont demandé son éviction de la commission, en remettant en cause son impartialité (lien). Plus tard la même année le préfet de l’Isère obtiendra sa radiation de la liste des commissaires enquêteurs à la suite du nombre d’avis défavorables jugé trop important lors de ses enquêtes publiques.
Comme nous l’avons déjà signalé, la suite a cependant donné raison au commissaire enquêteur:
- il a eu deux jugements du tribunal administratif en sa faveur en 2023, le rétablissant dans sa fonction de commissaire-enquêteur, et lui octroyant le bénéfice de la protection fonctionnelle suite à des attaques à son encontre de la part des préfets de l’Isère et de la Savoie (lien)
- la DUP et l’autorisation environnementale du projet Inspira, décidées par le préfêt de l’Isère malgré l’avis négatif, ont été annulées par le tribunal administratif de Grenoble en 2023, jugement confirmé par la cour administrative d’appel de Lyon en janvier 2024.
Mais revenons à l’affaire qui nous concerne.
Tout d’abord, la commission d’enquête témoigne dans la conclusion d’enquête de pressions subies pendant l’enquête :
“La commission d’enquête déplore d’avoir entendu à plusieurs reprises, à l’occasion de ses rencontres et de ses permanences, des propos mettant en doute sa neutralité. Un incident de cette nature lors d’une permanence l’a conduite à assurer les dernières permanences avec deux commissaires-enquêteurs“. Ces pressions subies pendant l’enquête semblent venir principalement du milieu économique, comme en témoigne l’incident relaté (avec le Président de Minatec Entreprises)
Ceci est récemment confirmé par un communiqué de Presse du Medef-Isère qui dénonce la partialité des conclusions d’enquête qui “se fait le relai quasi-exclusif des oppositions de toutes sortes“, et parle d'”une tentative de blocage qui ne doit pas devenir une référence“.
Les mots sont forts, nous les trouvons inquiétants.
Ce que demande le Medef, c’est tout simplement d’avoir les mains libres pour décider entre eux et en bonne intelligence avec une poignée d’élus compréhensifs des projets qu’ils ont choisi de mener.